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QUE NE S'ÉTEIGNE POINT LA FLAMME DE NOTRE ENGAGEMENT

Publié le par Alain LAMESSI

QUE NE S’ÉTEIGNE POINT LA FLAMME DE NOTRE ENGAGEMENT

 

 

Je commence mon propos par deux exemples tirés des faits réels vécus, l’un en Afrique et l’autre en Europe.

 

  1. J’arrive à Bangui et décide d’aller ce dimanche au culte dans une église évangélique moyenne de 300 membres située dans un grand quartier de Bangui. Je suis arrivé certes en retard mais le service était bon sauf qu’il était inutilement long à mon goût.

 

Pendant la louange et l’adoration qui est un moment clé du culte, j’étais vraiment mal à l’aise avec une seule envie de sortir tellement la musique était très forte, la sonorisation et l’amplificateur au maximum. Je suais à grosses gouttes. Il faut dire que j’étais assis juste à quelques mètres des baffles qui renvoyaient de bruits assourdissants. On ne pouvait écouter les paroles des chants que tout le monde reprenait en chœur dans une atmosphère survoltée. J’avais la sensation que mes tympans allaient se déchirer et ma tête s’éclater. Pour tout dire, j’étais énervé et tendu comme un arc, mon cœur battait la chamade mais je me suis maîtrisé pour ne rien laisser apparaître. Soit dit en passant, c’est une chapelle qui mesure à peine 20 mètres de long et 12 mètres de large. C’est dire que l’espace est exigu.

 

Les dimanches d’après j’avais ressenti les mêmes gênes. Au bout de deux mois, je puis assister à tout le culte sans m’offusquer, sans même avoir une folle envie de sortir pourtant il y a les mêmes bruits, les mêmes décibels, les mêmes musiciens, les mêmes chantres, les mêmes instruments.

 

  1. C’était en région parisienne, en France. J’étais directeur de ce centre qui accueille des adultes handicapés et polyhandicapés. Dès que je franchis le seuil du lieu de vie, j’étais comme accueilli, je dirai même agressé par cette très forte odeur de défécation et d’urine. J’étais tellement indisposé que je me suis bouché le nez avec un mouchoir et ai continué de progresser en apnée.

 

J’arrive dans la salle des activités, je vois des aides-soignantes qui maternaient certains résidents et aidaient d’autres à prendre le petit-déjeuner. Et je leur demande d’ouvrir les fenêtres pour aérer un peu la salle de manière à faire partir cette mauvaise odeur.

 

L’une d’elle me fit remarquer que toutes les fenêtres étaient bien ouvertes donc la salle était bien aérée. Ensuite, elle dit avec un brin de sincérité qu’elles n’avaient pas senti cette forte odeur dont je parlais. Et d’ajouter qu’elles étaient tellement habituées qu’elles ne sentaient plus les odeurs.

 

Ces deux exemples suffisent pour expliquer le phénomène que les psychologues ou les biologistes du comportement appellent une habituation. On parle d’habituation lorsqu’une forte excitation dure longtemps et que la réaction de l’organisme diminue progressivement et disparaît à la longue.

 

Ces exemples permettent de comprendre ce qui se passe aujourd’hui en République centrafricaine où nous assistons à ce qu’Hannah ARENDT appelle la banalisation du mal. Les assassinats, les massacres, les incendies des villages entiers, les enlèvements, les viols des femmes, des hommes et des enfants, le vol des bétails sont tout juste relégués au registre des faits divers ordinaires. Ils ne suscitent guère ou que très peu de condamnation, de désapprobation, de révolte, d’indignation. Pire, il y a de moins en moins de réaction, de moins en moins de prise de position.

 

La longue temporalité du conflit en République centrafricaine doublée des successions rapides des attaques armées a eu raison de la mobilisation des uns et des autres et entraîné la lassitude de la population en général et des activistes en particulier. Tout le monde semble être fatigué. D’ailleurs, les médiateurs qui s’y sont risqués ont très vite déchanté tant la complexité de la problématique et la mauvaise foi manifeste de certains protagonistes verrouillent hermétiquement toute issue positive. C’est dire que longueur dans le temps du drame centrafricain met à rude épreuve les nerfs du peuple centrafricain et de ses amis sincères.

 

La conséquence la plus évidente de cette situation est la démobilisation générale à laquelle nous assistons alors qu’on devrait sonner la mobilisation de tous. Et cette démobilisation est perceptible à tous les niveaux. L’annonce de l’assassinat d’un compatriote au km5 ou à Bambari est accueilli au mieux par un haussement des épaules et au pire par un rictus imperceptible sur le visage. Dans de rares fois, certains se réjouissent s’il s’agit d’un musulman ou d’un chrétien qui est assassiné. Un ami me faisait remarquer l’autre jour que « la vie du Centrafricain n’a pas de valeur à tel point que la mort d’un compatriote ne dit plus rien à personne ». C’est exagéré à peine.

 

L’autre conséquence qui est facile à observer c’est le recul du combat politique par l’émiettement de la conscience nationale. En effet, le recul du sentiment nationaliste pousse chacun dans son coin. On ne défend plus la nation mais on défend sa région. On ne défend plus le peuple centrafricain tout entier mais on défend les ressortissants de sa région ou de sa religion. Gardons-nous de tomber dans le piège de cette discrimination négative qui nous invite. Méfions-nous de toute forme d’indignation sélective. Quand il y a des massacres à Bangassou, à Bambari, à Mobaye, à Paoua, à Kaga Bandoro, etc. ce sont les natifs de ces Préfectures qui sont à la pointe du combat alors que les autres ne se sentent pas forcément concernés s’ils ne sont pas simplement distants. Des associations sont créées pour venir en aide aux victimes de ces régions. Très vite, ces initiatives aussi belles soient-elles se sont révélées parcellaires, éphémères au résultat incertain parce que très émotionnelles.

 

Certes, le temps peut émousser l’engagement des plus convaincus mais sachons garder allumer la flamme de notre premier engagement à défendre l’intérêt de notre peuple car le combat pour la reconquête de la dignité nationale sera certainement long et parfois très violent mais la victoire certaine.

 

Que Dieu bénisse la République centrafricaine !

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