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LA GUERRE DES DRAPEAUX N’AURA PAS LIEU

Publié le par Alain LAMESSI

 

 

Au plus fort de la crise comme conséquence immédiate de la si bien nommée mais très foireuse « opération soukoula » est apparu un phénomène pour le moins singulier et non moins cocasse : des drapeaux tricolores français sont hissés sur des carcasses de véhicules dans des ronds-points, sur bâtiments et des kiosques de certains quartiers de Bangui. Dans les minutes qui ont suivi et en riposte des drapeaux tricolores russes ont également été hissés sur des taxis, des minibus et taxis-motos dans d’autres quartiers de Bangui.

 

Selon que l’on se trouve dans tel ou tel camp ou dans tel ou tel quartier on est soit pro français et on brandit le drapeau français, soit pro russe et on brandit l’étendard russe. La guerre en République centrafricaine s’est transformée le temps d’un week-end en guerre des symboles entre les partisans des anciens amis et les partisans des nouveaux amis. Bleu-blanc-rouge contre Blanc-bleu-rouge.

 

Tout cela peut prêter à sourire mais placé dans le contexte de grande paupérisation civique et idéologique de la République centrafricaine, il prend forcément une connotation détestable avec en prime une identité nationale pervertie. Il révèle à plein jour le bradage de l’héritage des pères de l’indépendance qu’est le drapeau centrafricain et devient symptomatique du manque de fierté d’appartenance à la communauté nationale et surtout du mépris ostentatoire des valeurs républicaines. On aurait pu dire que c’est un parjure sous le masque de la niaiserie.

 

On ne joue pas avec les symboles de la République à moins de vouloir se mettre hors de la République. Ainsi brandir fièrement le drapeau d’un pays étranger quand bien même que c’est un pays ami peut être interprété dans le meilleur des cas comme un appel à l’aide ou comme un signe de reconnaissance pour service rendu mais dans le pire des cas c’est la péjoration de la personnalité nationale et se livrer corps et âme à l’autre. C’est la soumission volontaire à l’autre. En un mot, c’est brader sa propre liberté pour devenir l’esclave de l’autre. Nous sommes en pleine manifestation de la servitude volontaire que décrit déjà en 1576 le jeune écrivain de 17 ans Etienne de La BOETIE dans son fameux « Discours de la servitude volontaire ». En effet, prenant le contre-pied de la thèse de MACHIAVEL dans « Le Prince », il expliqua le mécanisme psychologique qui peut amener tout un peuple à se délester de la liberté pour se soumettre à un tyran. C’est par ce même mécanisme psychologique que des peuples entiers se soumettent à la domination des colons puis-je extrapoler.

 

Je prétends que l’éphémère guerre des drapeaux apparue en République centrafricaine n’est pas un épiphénomène mais l’expression de la volonté de se laisser dominer par les autres. C’est la manifestation de la servitude volontaire.

 

A l’avènement de la Séléka, que n’avons-nous entendu des compatriotes sensés et intelligents qui soutenaient à cors et à cris que la République centrafricaine devrait être mise sous tutelle de l’ONU ? Maintenant que ce vœu est réalisé et que la République centrafricaine est réellement mise sous tutelle de l’ONU par la MINUSCA interposée, qu’est-ce qui a véritablement changé ?

 

Aucune puissance étrangère aussi forte soit-elle ne pourra jamais libérer la République centrafricaine si ce n’est le peuple centrafricain lui-même. Ces grandes puissances, disons-le avec insistance, viennent toujours guidées par leurs propres intérêts parce qu’ils ont besoin des marchés à conquérir et des matières premières à soutirer. Ils ont besoin des débouchés pour leurs produits et des zones d’influence à élargir.

 

Dans son discours prononcé le 10 avril 1974 devant l’Assemblée Générale de l’ONU, DENG XIAO PING a développé la théorie des trois mondes qui reste le fondement de la doctrine de la relation internationale de la Chine. Il stigmatisait les deux grandes puissances (USA et URSS) et considérait l’URSS de social-impérialisme. Aujourd’hui l’URSS a disparu et la Russie a bien pris le relai. Entre-temps la Chine elle-même est devenue une puissance avec les mêmes ambitions de grandeur. Tout cela peut paraître compliqué mais justifie amplement la position des uns et des autres.

 

La guerre des drapeaux n’aura certainement pas lieu parce que ces pays qu’on supporte, comme jeunes nous supportions l’équipe de foot ball de Tempête Mocaf, ne voudront au grand jamais sacrifier la vie de leur ressortissant pour nos beaux yeux. La libération nationale reste pour notre pays le seul enjeu qui vaille. Pour cela, c’est l’étendard de la patrie que chaque patriote devrait brandir pour exhiber la fierté de notre appartenance: notre centrafricanité.

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