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LE VIVRE ENSEMBLE EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Publié le par Alain LAMESSI

 

CONFERENCE-DEBAT ORGANISEE PAR

 

LES AMIS DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

                           

                                    ALLIANCE FRANÇAISE - BANGUI 16 mars 2017

 

                           

Dire que notre pays, la République centrafricaine, est en crise est un doux euphémisme. Et cette crise qui a plongé ses racines dans la période coloniale n’a pas cessé de s’aggraver au fil des ans au point d’atteindre son paroxysme avec l’irruption en 2013 de la Séléka et des Anti-balakas sur la scène politique nationale.

 

En plus d’être chronique, cette crise est aujourd’hui multidimensionnelle : crise politique, économique, sociale, culturelle, identitaire, générationnelle, etc. Pour compliquer le tout la violence s’est imposée dans nos mœurs comme seul mode d’accession au pouvoir et de résoudre les conflits.

 

Autant la violence se banalise, autant la guerre ne finit plus de s’étendre dans nos régions. Les observateurs de la situation nationale affirment que les bandes armées occupent quasiment les deux tiers du territoire. C’est énorme.

 

Et comme si tout cela n’était pas suffisant, le tribalisme, le clanisme sont exacerbés avec leur corollaire le régionalisme. Par ailleurs pendant plusieurs mois les musulmans de Séléka ont combattu les soit disants chrétiens Anti-balaka. Ils se sont entretués à la machette et à la kalachnikov. Tout cela a occasionné des conséquences dramatiques dans tous les domaines et dont nous continuons de subir les effets.

 

Tous les éléments que je viens d’évoquer ont fini par saper la cohésion sociale, à fragiliser le lien social, surtout à distiller le venin de la méfiance, ce qui a engendré le repli sur soi et la division en prime.

 

En exagérant à peine, je puis dire que nous sommes en présence de ce  que Emile DURKHEIM, le père de la sociologie moderne, qualifie « d’ anomie » tant la confusion, le désordre, le chaos sont quotidiens. Dans un tel environnement si instable, si anxiogène que veut dire le vivre ensemble ?

 

I – QU’EST-CE QUE LE VIVRE ENSEMBLE ?

 

Avant de répondre à cette question en apparence simple et qui est le sujet même de notre rencontre, je veux vous faire remarquer ce que vous savez tous. En effet, l’homme est un être social par nature. Autrement dit l’homme ne peut pas vivre seul. L’homme ne peut pas survivre en dehors de la société, c’est à dire en dehors de la présence d’autres hommes.

 

Etant donné que nous ne pouvons pas vivre seuls, étant donné que nous sommes comme irrémédiablement condamnés à vivre ensemble, autant vivre de la meilleure manière, autant vivre en harmonie.

 

Voilà pourquoi le vivre ensemble, c’est le contraire de vivre à part, vivre ailleurs, vivre à l’écart, vivre côte à côte, vivre pour soi. Vivre ensemble, c’est vivre avec les autres dans une communauté dont on accepte et partage les valeurs, les traditions, etc. Je m’empresse de dire que vivre ensemble ne veut surtout pas dire rester entre nous en rejetant les autres. Ce n’est pas non plus chacun pour soi et pour son clan.

 

La meilleure définition selon c’est celle qui dit : « vivre ensemble, c’est s’accepter, communiquer malgré ses différences, sans se juger, sans se mépriser ».

 

II- COMMENT VIVRE ENSEMBLE ?

 

Vivre ensemble implique des conditions dont la réalisation permet la cohésion sociale. Au nombre de ces conditions, citons la tolérance.

 

A – La tolérance

 

John Lock, philosophe anglais du XVIIème siècle, avait publié sa fameuse « Lettre sur la tolérance ». Il y défendit la stricte séparation de l’église et de l’état.

 

Un siècle plus tard, c’est Voltaire qui abonda dans le même sens lorsqu’il publia en 1769 « Le traité de la tolérance ». Dans ce livre l’auteur fait un brillant plaidoyer en faveur de tolérance dans la mesure l’être humain est un être imparfait par conséquent sujet à des erreurs.

 

Ma thèse est la suivante : la tolérance est la condition nécessaire et suffisante pour que le vivre ensemble soit possible. Autrement dit sans tolérance il ne peut y avoir la vie en société.

 

Mais il faut affirmer avec force que la tolérance n’est pas synonyme de faiblesse. Elle n’est pas non plus synonyme de démission. La tolérance est une vertu. C’est l’acceptation de l’autre dans sa singularité. C’est l’acceptation de l’autre tel qu’il est et non tel que je voudrai qu’il fût. C’est l’acceptation de l’autre sans jugement.

 

Cette première condition qui devient une exigence est d’autant plus importante que la tolérance n’est pas automatique. Elle n’est pas héréditaire. Elle s’apprend et s’acquiert comme s’apprend et s’acquiert le vivre ensemble.

 

B- Accepter nos différences

 

Est-ce que nous devons absolument être identiques pour vivre ensemble ? La réponse est bien évidemment non. Nos différences loin d’être des handicaps sont des richesses. Ce sont des atouts qu’il faut valoriser. Certes, la différence est parfois source de conflit mais elle ne doit jamais être une barrière, un obstacle. Par conséquent, vivre ensemble, c’est s’enrichir mutuellement.

 

Accepter nos différences, c’est accepter l’autre tel qu’il est et non tel que je voudrai qu’il soit. C’est dépasser nos préjugés et toute forme de fanatisme.

 

Pour bon nombre de nos compatriotes, vivre ensemble revient à se  getthoÏser dans son clan, dans son ethnie, dans sa tribu, dans sa région. C’est bien là une erreur qu’il convient de surpasser car cette approche procède d’une vision étriquée qui conduit à la fermeture, à la closure.

 

Vivre ensemble ne saurait se résumer à rester entre nous et à rejeter les autres. Bien au contraire, c’est donner la chance aux autres même aux minorités d’être visibles.

 

Pour tout dire, le vivre ensemble c’est l’ouverture à l’autre. C’est favoriser le pluralisme tout en préservant les identités propres à chaque communauté.

 

Par conséquent, le danger qui menace le vivre ensemble reste bien évidemment l’instrumentalisation de ces particularismes. Cela doit devenir un point de vigilance de notre part.

 

C- Promouvoir l’égalité et la solidarité

 

Vivre ensemble implique de reconnaître que l’autre existe. C’est dire que celui qui devant moi est comme moi. Il est égal à moi avec les mêmes droits et devoirs.

 

Il implique également la reconnaissance de l’égalité fondamentale de tous les êtres humains sans distinction de sexe, de race, de religion, etc.

 

C’est dire que le vivre ensemble revient à promouvoir l’égalité, la dignité et la solidarité. C’est tout simplement la lutte contre l’injustice.

 

Il ne peut y avoir de vivre ensemble sans un minimum de moral. Les lois et les règles fixent les limites et permettent le vivre ensemble.

 

 

III L’EDUCATION A LA CITOYENNETE POUR UN VIVRE ENSEMBLE RESPONSABLE

 

 

Martin Luther King avait sans doute raison de dire que : « nous devons apprendre à vivre comme des frères, sinon, nous allons mourir comme des idiots ». C’est tout un projet de société qui est ici postulé par le chantre du vivre ensemble. Il devient urgent de construire le sentiment d’appartenance commune pour favoriser le bien-vivre ensemble dans la société centrafricaine.

 

Le devoir qui nous incombe désormais est celui de façonner une nouvelle société. Par conséquent, il faut refuser de subir les contingences mais de devenir des acteurs du changement. Changer de société suppose s’accorder sur des principes et des valeurs autour desquels elle doit s’organiser.

 

Vivre ensemble, c’est ce que nous voulons. Nous opposer, c’est possible mais nous entretuer ce n’est pas acceptable.

 

Alain TOURAINE pose avec gravité la question suivante : « pouvons-nous vivre ensemble » ? A cette question il répond par l’affirmative. En effet pour lui, il est possible de vivre ensemble mais à la seule condition que chacun développe la capacité de s’assumer comme acteur de sa propre histoire. Chacun devait être capable de développer un projet de vie personnel et de participer à un mouvement social.

 

Le vivre ensemble confère donc une responsabilité nouvelle à assumer. L’individu doit devenir sujet. Mais être sujet n’est possible qu’à travers la reconnaissance de l’autre. Cela nécessite de construire un minimum de convictions collectives, de valeurs capables de fédérer et de manifester une volonté claire de vivre ensemble.

 

Face à l’affaiblissement du lien social, Edgar MORIN postule l’éthique de la compréhension d’autrui. Pour lui en effet, le vivre ensemble n’est possible qu’à cette condition et se résume à :

 

  • Promouvoir des valeurs ;
  • Développer la solidarité ;
  • Réorganiser notre vie commune ;
  • Former à la citoyenneté ;
  • Prévenir les conflits ;
  • Respecter les cultures et les religions ;
  • Renforcer les volontés des individus à être des acteurs ;
  • Apprendre à chacun à reconnaître en l’Autre la même liberté qu’en soi-même.

 

Le convivialisme est ce nouveau courant transversal à la fois politique, sociologique, écologique, etc. Il soutient l’idée que le citoyen doit revenir au centre des préoccupations. Il doit être, par ses engagements et actions, l’acteur principal de la transformation de la cité. La participation doit être le maître mot.

 

Lorsqu’un homme ou un groupe d’hommes exerce une domination sur un homme ou sur un groupe d’hommes, il n’y a pas de paix. Certes, chacun doit accéder à l’autre sans violence. Voilà pourquoi le comportement de toute puissance, de maîtrise, de pouvoir de l’un sur l’autre doit être combattu parce que prohibé.

 

Que faire face au risque de la division de notre pays ? Que faire face à la montée du tribalisme, du régionalisme et des conflits inter-religieux ? En dépit de tout, l’éducation à la citoyenneté est la meilleure réponse. La culture est la seule chose qui élève l’homme.

 

 

POUR NE PAS CONCLURE

 

Promouvoir la paix revient à créer les conditions de vivre ensemble. La paix, la dignité, la solidarité, la justice sont des valeurs qui fondent une nouvelle solidarité.

 

A la violence nous devons opposer la paix. Mais la paix n’est jamais acquise définitivement. Elle se construit à chaque instant et se préserve à tout moment.

 

Je termine mon propos en citant le philosophe Alain qui a dit : « la paix n’est jamais, il faut la faire, la vouloir et donc y croire ». Et si c’était la même chose pour le vivre ensemble ? J’aime cette phrase : « vivre ensemble, c’est partager la même notion universelle de l’humanité ».

 

Je vous remercie.

 

 

 

 

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